Dialogue psychopathique

    — Bonjour.
    — Bonjour.
    — Je vous écoute.
    — Écouter quoi ?
    — Et bien parlez.
    — Mais pour dire quoi ?
    — Ce qui vous passe par la tête.
    — Je ne peux pas.
    — Pourquoi ?
    — Vous me prendriez pour un fou.
    — Et bien ce n’est pas grave.
    — Pour moi si.
    — Faites comme si je n’étais pas là.
    — Je ne parle pas quand je suis seul.
    — Vous êtes compliqué.
    — Je sais.
    — Je suis là pour vous aider pas pour vous juger.
    — Qu’est-ce qui me prouve que vous ne me jugerez pas ?
    — C’est mon métier.
    — Je ne fais confiance à personne.
    — Pourquoi ?
    — On m’a trop trahi, cette pourriture d’humanité nous fait douter de tout.
    — Je ne suis pas l’humanité.
    — Mais vous en faites partie.
    — Comme vous.
    — Je ne peux rien dire, vous appelleriez les gendarmes et on me mettra dans un asile.
    — Je vous jure que non.
    — Ne jurez pas.
    — Pourquoi ?
    — On jure trop et on trahit trop.
    — Qu’est-ce que je peux faire pour vous prouver que je ne dirai rien ?
    — Rien. Vous ne pouvez rien.
    — Il le faut bien.
    — Pourquoi ?
    — Pour vous aider.
    — Vous ne pouvez rien faire.
    — Je peux vous aider à vous sentir mieux.
    — Personne ne le peut.
    — Pourquoi ?
    — J’ai vu trop de trucs pour oublier.
    — Des trucs horribles ?
    — Oui.
    — Vous avez vu la mort ?
    — Oui.
    — Vous avez vu la souffrance ?
    — Oui.
    — Qu’avez-vous vu d’autre ?
    — Je ne dis plus rien.
    — Pourquoi ?
    — Je ne veux pas.
    — Pourquoi ?
    — Arrêtez avec vos pourquoi. Je ne veux pas, un point, c’est tout.
    — Je n’arriverai donc pas à vous faire cracher votre passé ?
    — Non.
    — Racontez-moi juste le truc le plus minime.
    — Non.
    — Vous êtes têtu.
    — Je sais.
    — Je sais, je vous raconte un truc personnel et vous me racontez quelque chose en retour.
    — Un marché ?
    — Oui. C’est donnant-donnant.
    — Je ne sais pas.
    — Comme ça, si je trahis mon silence, vous délivrez mon secret.
    — Mais il faut que ça soit égal.
    — Oui.
    — J’hésite… D’accord. Commencez.
    — Hum… Je réfléchis.
    — Réfléchissez bien.
    — Je sais. J’ai déjà fugué de chez moi quand j’avais 15 ans.
    — C’est trop léger.
    — Attendez ce n’est pas tout. Je me suis enfuie à 15 ans pendant toutes les vacances d’été. Et j’ai beaucoup voyagé. C’était incroyable.
    — C’est toujours trop léger.
    — Attendez. Toute la police était à mes trousses et ça devait être au milieu des vacances. Quand j’ai failli me faire prendre, j’ai assommé deux policiers avec des bûches qui traînaient par terre et j’ai baissé le pantalon du troisième.
    — C’est toujours trop léger.
    — Vous ne comprenez pas. Je me suis renseignée et normalement, on n’a pas le droit d’assommer des gendarmes, c’est un délit. Si cette histoire venait à être évoquée, je perdrais mon travail.
    — Hum. C’est léger mais ça passe.
    — À votre tour.
    — Je ne vous donne qu’un fait parmi tant d’autres.
    — D’accord.
    — Je suis fou.
    — Je sais, c’est pour ça que vous êtes là.
    — Non non vraiment.
    — Expliquez.
    — Comment vous dire sans dévoiler tout ?
    — Dites bien et on verra.
    — Hum… On m’accuse de plusieurs meurtres.
    — Je sais.
    — Et je n’en n’ai commis aucun.
    — Alors, qui a tué ces personnes ?
    — Jimmy.
    — Qui ?
    — Jimmy.
    — Qui est-ce ?
    — Moi.
    — Je ne comprends pas.
    — Je ne vous dis plus rien.
    — Mais si allez-y.
    — Non.
    — Ce n’est pas réglo.
    — Je vous ai déjà dit ce qu’il y avait à savoir.
    — Qui était ?
    — Jimmy.
    — Est-ce votre ami ? Un proche ?
    — Non ni l’un ni l’autre.
    — Alors qui est-ce ?
    — C’est Jimmy.
    — Oui je sais mais qui est-il par rapport à vous ?
    — Il est moi.
    — Vous êtes bizarre.
    — Je sais.
    — Dites-m’en un peu plus s’il vous plaît.
    — Non.
    — Je n’insiste pas.
    — Vous faites bien.
    — Et si je vous disais un truc sur ma vie, est-ce que vous m’en direz plus ?
    — Je ne sais pas.
    — J’essaie quand même.
    — Allez-y.
    — Hum. Lors de ma fugue j’ai eu un compagnon de voyage. C’était un chien. Il a mordu une fillette jusqu’au sang.
    — Et ?
    — Il s’est fait euthanasier par la suite.
    — Je suis désolé.
    — Ensuite j’étais tellement folle de rage que j’ai poignardé le véto.
    — Plus je vous connais plus vous vous me faites peur.
    — Ce n’était rien, il est toujours vivant.
    — Je suis content pour vous.
    — On est devenu amis après.
    — Quelle situation bizarre.
    — Je me suis platement excusée et il a compris que c’était sous un coup de pure rage que l’action s’est passée.
    — Je vous crois.
    — À vous.
    — Jimmy a tué mon père.
    — Pourquoi ?
    — Je ne sais pas.
    — Vous ne savez pas ?
    — Non.
    — Où est ce Jimmy ?
    — Là où je suis.
    — Jimmy est vous et vous êtes lui ?
    — En quelque sorte.
    — Comment ça en quelque sorte ?
    — C’est compliqué.
    — On a tout notre temps.
    — Non je ne dis plus rien. Au revoir.

 

Novembre 2018

3 réflexions au sujet de « Dialogue psychopathique »

  1. Bravo Marianne.
    Moi j’aime bien l’entrée ex abrupto dans le dialogue.
    Et j’admire l’inventivité d’avoir trouvé une forme encore inutilisée.
    Effectivement, on ne voit pas où le texte veut en venir, mais c’est peut-être une chose qui me plaît justement, j’aime mieux être laissé sur une question qu’on me fasse une leçon avec un texte cousu de fil blanc!

    1. Commentaire adressé à Louis :

      Un avis que l’on peut comprendre, il est plaisant de voir les avis diverger et de se rendre compte que là où l’un verra des défauts l´autre verra des qualités. Ainsi par ton avis différent du mien je peux me le consolider
      Merci beaucoup 😁

  2. Ce texte est…..étrange, je ne sais quoi penser lorsque je lis aussi je vais plutôt faire une synthèse des points négatifs et positifs (uniquement ceux que je vois bien évidemment) et j’essayerais ensuite de te communiquer mon avis sur le texte

    Les points négatifs si ils sont nombreux ne sont en revanche pas si importants qu’il n’y parait :

    -il n’y a pas d’introduction ce qui dans le cadre dialogue est légèrement “violent” et le lecteur n’a pas de repère autre que le titre ce qui est fortement déstabilisant
    -l’utilisation du mot “truc” fait un peu tache pour un psychiatre même si il peut agir ainsi par imitation du patient, ce qui, rends le problème moins important qu’il n’en a l’air
    -l’absence de nom au patient autre que “Jimmy” est perturbant, bien que cela rajoute du mystère (étant donné que l’on ne sait pas si Jimmy serait ce qu’il visualise comme son côté meurtrier ou tout simplement son vrai prénom auquel cas il aurait abandonné son identité ?)
    -Trop de texte, bien que cela soit dans le titre (j’entends par là qu’il s’agit d’un dialogue) l’absence de pauses pour décrire l’environnement ou les scènes du passé rendent rapidement le texte indigeste
    -Enfin ce qui semble être pour moi le plus gros défaut, le/la psychiatre n’est pas crédible si bien que je me demande si je ne me trompe pas en affirmant que tel est son métier (a noter que cet avis est le fruit de mes interactions avec le milieu psychiatriques et psychologique qui me passionne)

    À présent les points positifs :
    -peu voir pas (JE n’en vois pas) de fautes
    -Une sorte d’appel à l’honnêteté via les passages sur la trahison et le mensonge qui semblent coupables de l’état de Jimmy
    -Une psychiatre qui bien qu’elle raconte une histoire extrêmement farfelue (dans notre monde il est rare de devenir ami avec ceux qu’on tente de tuer, il y a des exceptions bien sûr et heureusement sinon ce docteur perdrait encore plus sa crédibilité) est proche de son patient (par la violence mais bon..)

    Voyons enfin mon avis sur ton texte :
    Eh bien……Je ne vois pas vraiment le sens, excepté une sorte de dénonciation de notre monde gengrainé par la trahison la violence et la haine mais ce n’est pas vraiment mis en avant
    Du reste on a l’impression que ça a été écris un peu comme un essai…..oui voilà on dirait un peu un brouillon, il y a de l’idée Mais elle est mal dit, mal mise en place, mal expliquée ect ect…

    Ce texte me semble pour ma part à des lieux de TOUTS tes autres textes…Mais ce n’est pas un échec total pour autant car tu ne peux faire selon moi qu’une seule action suite à ce texte…..t’améliorer et c’est ce qui compte.

    Merci pour avoir fait ce texte car même si il n’etait Pas si bon au moins il était rempli d’idée
    Surtout ne t’arrete Pas à mes avis négatifs d’autres y trouveront certainement plus de positif que moi
    N’oublie pas l’échec n’est qu’un moyen de s’améliorer !
    PERSÉVÈRE !

Répondre à Louis Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *