Rêves

J’ai fait un rêve. Celui-là était différent des autres, car j’ai ressenti une émotion que nul ne pourrait oublier. Le début n’était pas d’une grande utilité. Je me voyais juste mes sœurs et moi dans un petit temple à animer les spectateurs dont le nombre était minime. J’en ressorti avec la plus jeune, puis tout à coup, je me retrouvai dans un wagon, qui, me semblait-il, avait emmené tant de juifs vers des endroits horribles, inimaginables et pourtant réels. Ma sœur et moi n’étions pourtant pas enfermées. La porte était ouverte et le train roulait doucement. Au loin, la neige glaciale recouvrait les activités humaines avec pour seul éclairage le ciel gris et froid d’un hiver comme les autres. Pourtant malgré ce triste paysage, et ce wagon tristement célèbre, je restai là en compagnie de ma sœur cadette. Le sol était recouvert d’une paille épaisse, cependant on sentait le plancher sous nos pieds. Nous n’étions pas seules pourtant il n’y avait personne. Soudain le wagon s’arrêta. Il n’y avait pas de quai, pas de gare, seulement des rails qui provenaient sûrement d’autres lignes ; ils étaient recouverts de rouille, de mousse et d’herbe folle. Je sautai sans la moindre crainte, ma sœur me suivit afin d’accéder à la ville. Il y avait un pont qui reliait notre quai invisible à ce que nous pressentîmes être la ville. Puis nous nous retrouvâmes devant la gare, elle avait l’allure d’un funiculaire. Il y avait une route devant nous, suivie d’un mur retenant un jardin qui nous surplombait. Le ciel avait ôté sa robe de gris pour mettre une partie de cache-cache entre le soleil et les nuages noirs. Je suivis le chemin de pavés vers la gauche et au lieu de tourner, j’allai tout droit, traversant le gazon mouillé et un petit verger bien soigné. Soudain, bien que je ne m’arrêtasse pas, Paris s’offrit à nous. La vue était magnifique, on voyait Montmartre au loin et la tour Eiffel au milieu. On goutait de tout notre soûl à ce panorama unique, le soleil ne se cachait plus, il brillait sur la capitale. Il fallut tout d’abord traverser une grande esplanade verte à l’aide d’un chemin blanc et rejoindre un petit autel avant de pouvoir admirer cette capitale, cet amas de petites maisons, ce charme, afin de ressentir toute la foule qui se pressait sur le trottoir, de ressentir l’agitation des boulevards, des champs, des jardins publics, des squares, des cafés, des monuments. Au fond de moi, je voulais ressentir Paris. Lorsque nous fûmes enfin arrivées, haletantes, cette euphorie, qui régnait en maître dans mon corps, disparut. Il y avait là deux hommes qui par nature ne voulait pas du bien. Ils s’approchèrent de moi et de ma sœur qui m’accompagnait toujours, le regard malfaisant. Un échange de paroles se fit mais je ne me rappelle plus ce qu’il y eut de dit. Puis comme si l’on me poussait, je me jetai sur ces deux êtres malsains. C’est alors qu’un sentiment me submergeât. Je ne peux le décrire tellement il fut intense mais c’était une rage… une rage qui me donnait tout ce que je possédais, toute la rage que j’avais laissée s’accumuler durant des années ressortit, qui ensorcelait mes poings, qui neutralisait mes pensées, ma conscience, qui effaçait tout être pacifiste en moi et qui ne me dictait qu’une seule loi, celle de frapper et de continuer quoi qu’il advienne. Je pris l’un des crânes, n’importe et l’écrasai ; j’enfonçai mes ongles dans la peau, cette peau qui me répugnait, si fragile, qui me suppliait de la déchirer, j’arrachai les cheveux en motte, je serrai les dents pour ne pas broyer ces os, cette chair. Douleur, saigner, ennemis, exterminer. J’étais folle. Un être sans raison est un fou. J’étais folle. Je ne ressentais ni douleur ni compassion. Mon but… je n’en avais aucun, cependant je savais qu’ils allaient s’en prendre à ma sœur, je ne voulais peut-être que la protéger, mais je ne lui ai pas dit de fuir. Elle m’a vue, en spectatrice, elle a vu, mon corps sous l’emprise de cette rage, elle a vu mes yeux remplis de la colère et de la joie de la destruction. Moi, seul le plaisir de pouvoir cogner me suffisait. Je griffais, cognais, me débattais…

Voilà ce sentiment, le sentiment de rage qui vous fait oublier qui vous êtes, tout espace humain en vous. Je ne savais plus qui j’étais. Ce sentiment de brutalité, certes, c’est mal, mais lorsqu’on l’on ne pense pas, cela fait du bien.

Janvier 2019

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