Le metteur en scène

j’ai la main qui bouillonne mais pas un mot ne me vient. J’aimerais m’élancer sur mon papier trop blanc, écrire n’importe quoi, des mots étrangers, des mots oubliés, sans queue ni tête, mais je ne peux le faire. Car sinon vous me prendrez pour une folle, vous m’enlèverez tout, mon petit appartement et mon travail. Ah ! mon travail ! Celui pour lequel je me suis battue depuis ma plus tendre enfance, celui pour lequel je suis restée assise sur les bancs durs et froids d’écoles durant 12 ans de ma vie, à affronter les tables de multiplication et l’ordre strict de ces institutions. Durant les récréations je passais mon temps perdu à m’amuser avec Molière et Sophocle. Je me battais en duel contre Cyrano et j’approuvais les malices des servantes. Par la suite j’ai fait du théâtre mon métier. Je ne pouvais pas jouer la pièce de ma vie derrière un bureau, le public m’aurait hué et serait parti. Alors je me suis épanouie. Certes cette autobiographie est quelque peu simple mais c’est là que survient le problème. Le jugement de la société a fait de mon métier une plaisanterie, qui, en soi ne l’est pas. Comment un type, derrière son bureau, n’ayant pour scène que cinq mètres carrés, comme acteur une femme acariâtre et des enfants braillards pourrait-il juger ? Comment pourrait-il savoir manier et couper avec précision un acte en deux ? Dites-le-moi, vous qui lisez ceci. Le théâtre est notre passé et notre présent. Il nous apprend de quel pied on peut sortir de situations bien particulières. Et mon métier consiste à ce que cette instruction vous soit facile. Le public est l’élève et les comédiens sont les instructeurs. Et moi, je suis le directeur. C’est un métier complexe, tout passe par moi. Hop, je donne le feu vert et les lumières s’allument. Hop, feu vert, et le professeur court sur son estrade donner les méthodes. Il bouge, il parle, il donne vie à la leçon. Pendant ce temps les élèves fascinés regardent avec attention. Un point d’exclamation déclenche le rire, et l’apparition d’un autre personnage se fait applaudir. Moi pendant ce temps, je règle les derniers préparatifs, la lumière, le tableau. Je jette un coup d’œil, la classe passe bien. Puis quand vient la fin, c’est comme la fin d’année, on est un peu tous tristes de quitter la scène mais on sait que demain il y aura une nouvelle représentation avec de nouveaux élèves.

Le théâtre est l’école de la vie
et moi j’en suis son directeur

 

Septembre 2018

2 réflexions au sujet de « Le metteur en scène »

  1. Commentaire du texte :
    Le metteur en scène

    Ce texte est intéressant, il est vrai que beaucoup voient le théâtre comme un divertissement mais tout comme toi il est pour moi l’école de la vie, pour ma part j’ai grandi en partie grâce au théâtre, sans lui je ne serais pas ce que je suis actuellement
    J’ai eu quelques difficultés à tout bien comprendre (la fatigue qui commence à se faire sentir je suppose, dans le pire des cas je relirais ce texte)
    Mais au final tout comme « Autoportrait » il m’a permis de réfléchir au sens qu’à le théâtre à mes yeux, à ce qu’il a de plus qu’un film ?
    Pour moi la réponse fut aisée à trouver
    De ma part je conçois le théâtre comme un art, un art basé sur la communication et l’enseignement, peu importe la piece elle a un but précis, celui de nous enseigner et communiquer quelque chose, que ce soit la joie, la compassion, l’humilité ou parfois de l’humour le théâtre est une facette de la vie, les pièces, toutes, sans exceptions (du moins à ma connaissance) sont inspirées de la réalité, et l’on ne peut en dire autant des films ou des romans.
    Le théâtre nous montre la vie sous des formes que l’on ne soupçonne pas, hors notre sens le plus développé est la vue, aussi c’est pour ma part en regardant du théâtre que j’ai appris la vie (ou tout du Moins une partie)

    Merci encore pour ce texte

    1. Je suis contente que tu aies trouvé une réponse à mon texte, en effet je présente dans ce texte ma vision du théâtre sous une métaphore qui me semble appropriée

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *